Les risques invisibles de l’Intelligence Artificielle : quelles précautions à prendre ?
novembre 2024 par Mountaha Ndiaye, EMEA Director, Ecosystem sales & programs chez Hyland
L’IA générative bouleverse l’univers technologique à une vitesse que personne n’aurait pu anticiper. Il suffit de voir la rapidité avec laquelle ChatGPT a conquis le monde : en l’espace de seulement deux mois, cette technologie a atteint les 100 millions d’utilisateurs. Ce constat est frappant quand on sait que même des réseaux sociaux mondialement adoptés comme Instagram ou TikTok ont eu respectivement besoin de 2 ans et demi et neuf mois pour atteindre le même nombre d’utilisateurs. Alors, l’IA générative n’est plus un outil réservé à une élite technologique. Elle est désormais accessible à un large public, soulevant par la même occasion de nombreuses questions sur les opportunités qu’elle crée et sur les risques qu’elle introduit pour les entreprises.
L’IA à double tranchant : Comprendre les avantages et les enjeux
L’IA générative est en train de devenir un pilier pour de nombreuses entreprises qui y voient un moyen d’accroître leur efficacité, de réduire leurs coûts et de créer des produits plus personnalisés et plus performants. Ce qui, il y a encore peu de temps, était le domaine réservé des experts en Intelligence Artificielle et en data science est maintenant à la portée de tous les services d’une entreprise. Les non-techniciens peuvent désormais utiliser ces outils pour analyser des données, automatiser des tâches répétitives, voire générer des contenus complexes comme des résumés de documents ou des rapports financiers. Cette démocratisation s’accompagne évidemment d’une myriade d’avantages. La rapidité avec laquelle l’IA peut exécuter certaines tâches permet non seulement d’améliorer la productivité, mais aussi d’optimiser la prise de décision en fournissant des insights plus complets, plus rapidement.
Sécurité des données et confidentialité de l’IA
Toutefois, cette expansion rapide des capacités de l’IA générative pose des défis importants. En premier lieu, la question de la sécurité des données est primordiale. Avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs et de cas d’usage, de plus en plus de données sensibles sont manipulées par ces systèmes. Ce qui autrefois nécessitait une infrastructure dédiée et sécurisée est aujourd’hui accessible depuis un simple navigateur web. Cela signifie que des employés de divers départements, n’ayant pas nécessairement l’expertise technique pour comprendre les implications en matière de sécurité, peuvent avoir accès à des informations critiques. Et c’est là que réside le problème : 72 % des entreprises estiment que l’IA générative sera génératrice de cyberattaques. En effet, avec un accès aussi large, les erreurs humaines, les mauvaises configurations et pratiques peuvent conduire à des fuites de données massives. De plus, les fournisseurs de services cloud, où sont souvent stockées ces informations, peuvent eux aussi constituer une source de vulnérabilité.
Les hallucinations de l’IA ou le manque de fiabilité des informations
Un autre risque majeur concerne la qualité et la fiabilité des résultats produits par ces systèmes d’IA. Les modèles d’IA générative, aussi performants soient-ils, ne sont pas infaillibles. Ils peuvent produire ce que l’on appelle des « hallucinations », c’est-à-dire des résultats erronés ou des faits inventés. Ces erreurs peuvent avoir des conséquences graves si elles ne sont pas détectées à temps, surtout dans des secteurs critiques comme la finance, la santé ou encore le droit. Par exemple, un document généré automatiquement pour une procédure judiciaire pourrait contenir des informations erronées, entraînant ainsi de mauvaises décisions juridiques. De plus, les biais présents dans les données d’entraînement de ces modèles peuvent se refléter dans les résultats produits, perpétuant ainsi des discriminations ou des inégalités. Les entreprises doivent donc être particulièrement vigilantes quant à l’utilisation de ces outils et veiller à mettre en place des mécanismes de vérification et de validation rigoureux pour garantir que les résultats soient fiables et exempts de biais.
Un besoin d’infrastructures matérielles et de compétences pour un bon déploiement
En parallèle, il est essentiel que les entreprises adaptent leurs infrastructures pour supporter cette explosion de l’usage de l’IA. Actuellement, bien que de nombreuses entreprises prévoient d’augmenter leurs investissements en IA dans les mois à venir, seulement un tiers d’entre elles envisagent de renforcer leur infrastructure pour gérer ces nouvelles charges de travail. Pourtant, l’IA, notamment dans ses applications les plus avancées comme la vision par ordinateur (VAO) ou la reconnaissance vocale, requiert des capacités de calcul considérables. Sans une infrastructure adéquate, les entreprises risquent de se retrouver rapidement submergées par la demande et incapables de tirer pleinement parti des bénéfices de ces technologies.
Au-delà des infrastructures matérielles, un autre enjeu crucial pour les entreprises est celui des compétences. Si l’IA peut automatiser une partie des tâches, elle ne peut en aucun cas remplacer l’expertise humaine. Or, une des principales barrières à l’adoption de ces technologies reste le manque de talents qualifiés. De nombreuses entreprises peinent à recruter des spécialistes capables de comprendre, déployer et gérer ces outils complexes. C’est pourquoi il est essentiel de non seulement recruter de nouveaux talents, mais aussi de former les employés en poste. Cela signifie que des investissements doivent être injectés dans la formation continue pour transformer des développeurs traditionnels en experts de l’IA, mais aussi pour sensibiliser l’ensemble du personnel aux bonnes pratiques et aux risques associés à l’utilisation de ces outils. Former les équipes à comprendre et à utiliser correctement ces technologies réduit les risques d’utilisation inappropriée et améliore la capacité de l’entreprise à tirer parti des opportunités qu’offre l’IA.
Enfin, il est indispensable de mettre en place des politiques de gouvernance robustes autour de l’utilisation de l’IA générative. Aujourd’hui, 58% des employés français utilisant l’IA générative au travail le font sans cadre défini par leur employeur par manque de politiques claires régissant l’utilisation de ces outils selon une étude Salesforce. Peu d’entreprises (15%) ont mis en place des conseils ou des comités dédiés à la gestion des risques liés à l’IA. Un chiffre préoccupant, car sans une gouvernance adaptée, les risques éthiques, les biais, et les questions de transparence, ne sont pas correctement gérés. Les entreprises doivent donc établir des politiques qui encadrent l’utilisation de l’IA, en insistant particulièrement sur la prévention des biais, la transparence des modèles, et la protection des données. Ces politiques doivent être clairement communiquées à l’ensemble des employés, et des audits réguliers doivent être réalisés pour s’assurer qu’elles sont bien respectées.
L’IA générative n’est pas seulement une opportunité pour améliorer les processus existants, elle est en train de redéfinir ce que signifie être une entreprise technologique à l’ère du numérique. Pour réussir dans cette nouvelle course, il ne suffit pas d’adopter ces technologies ; il faut aussi s’assurer que les systèmes de support, les talents et les politiques évoluent au même rythme. Ceux qui sauront maîtriser à la fois les opportunités et les risques seront les gagnants de cette nouvelle ère technologique.