L’enjeux de la souveraineté numérique
août 2024 par Damien Desanti, fondateur de PHOCEA DC
Si la France affiche une ambition de souveraineté, la réalité du terrain laisse entrevoir un décalage significatif en matière d’économie numérique. L’État, pourtant premier prescripteur, ne semble pas toujours pleinement engagé dans une stratégie qui favoriserait véritablement nos entreprises technologiques.
Les contradictions sont nombreuses. Alors que les entreprises françaises sont soumises à des réglementations strictes en matière de protection des données (RGPD, NIS2, etc.), des choix stratégiques surprenants sont observés. L’hébergement des données de santé sensibles des Français sur le cloud Azure de Microsoft, en dépit des règles de protection des données personnelles (Cloud Act), en est un exemple flagrant. De même, l’installation des campus IA de Google en France, visant à promouvoir les technologies d’un géant américain, soulève des interrogations.
La commande publique, levier essentiel de la souveraineté, n’est pas utilisée à son plein potentiel. Les sommes importantes allouées à des géants du cloud pourraient être investies dans l’écosystème numérique français. Si des écarts technologiques existent, il est de notre devoir de les combler grâce à une politique de recherche et d’innovation ambitieuse.
Les acteurs français du numérique appellent de leurs vœux un "protectionnisme affirmé" de la part de l’État. Les instances publiques doivent renforcer leur soutien à nos champions nationaux, en prenant des participations au capital pour éviter qu’ils ne soient rachetés par des acteurs étrangers. L’exemple récent du partenariat entre Mistral AI et Microsoft illustre cette tendance.
La France dispose d’atouts considérables : deux hubs internet parmi les plus importants au monde et un coût de l’électricité compétitif. Il est impératif de protéger et de valoriser cet héritage pour construire une souveraineté numérique durable.
Les choix stratégiques de l’après-guerre ont permis à la France de développer une industrie nucléaire et aéronautique forte. Il est temps de renouveler cet élan en faveur du numérique. L’État doit assumer pleinement son rôle de catalyseur et d’investisseur pour garantir notre souveraineté technologique. Nous sommes à un tournant décisif. Les décisions prises aujourd’hui auront des conséquences durables sur notre avenir numérique.